Asile

Asile

“…Nous étions prévenus. Tous les signes étaient là. Ça faisait longtemps que la Bête agonisait. Mais  tellement habitués à sa terreur, qu’il était impensable de la voir tomber.

Grande salle climatisée, la Bête était couchée, dans un blanc lit position de fœtus. Ses enfants lui dévoraient les parties encore en vie. Sa tête, la première à mourir. Ça faisait longtemps qu’elle ne pensait plus. Ses yeux grands ouverts, un profond puits sans fond. Ses gosses se gavaient comme ils pouvaient. Ils ne savaient pas ce que l’avenir leur réservait. La Bête avait logé tous les chasseurs, leurs armes avec eux, dans la grande geôle de l’Asile. Dans les rues, il n’y avait que des hommes. Des fous qui marchaient nus, sur leur tête, leurs dreads dans la poussière. Ils balançaient leur phallus au pas des chants qu’on jouait sans cesse aux quatre coins de l’Asile. Parmi ces fous, y’avait les fousemblants. Catégorie de ceux qui avaient décidé de rentrer dans la danse. Sain d’esprit pourtant comme Oya et Shango, ces types voulaient sauver leur tête. « Si t’as vu tes pères se faire fusiller par vagues successives, mon fils tu fais le fou comme moi ». Tassikpô gnawoa ! mgba wô nouwon ! No kpô woadoa tchalé, ola so ta na woé !  Ils n’avaient pas réussi à escalader les murs pour trouver refuge quelque part dans la brousse. Ceux qui avaient rejoint la forêt, vivaient en  Quilombos présidés par des Bondo.

Sur l’Asile, régnaient les Animaux sauvages puisque l’ère des humains était révolue. Des caméléons, des haut-parleurs dans leur bouche, passaient de temps en temps en jeep chanter la gloire de la Bête. Les fous, les fous, les plus fous chantaient à cœur joie. Cacophonie incroyable. Hymne de la déchéance. La chanson parlait de flamme. Disait en substance quelque chose comme ça : Tout  corps surpris en train de réfléchir sera fouetté et ira enfer. C’était un tube ce morceau. Au top des hits parades. Il faisait rire le monde. Tous, sauf… La Bête. Les caméléons envoyaient les hommes en enfer pour réserver le paradis à la Bête, toute elle seule.

Dans un camp, il n’y a pas de place pour les esprits libres. Dans un asile, les gens normaux sont pris pour des fous. Depuis leurs Quilombos, au sommet des cerveaux, les Fourmis observaient la Bête agoniser.

Système s’effondre ! Château de cendres ! Avril en Décembre ! Poison indécent !

 Mais les fous étaient habitués… Et pourtant ils étaient prévenus ! Et pourtant ils étaient prévenus ! Et pourtant ils étaient prévenus ! Et pourtant ils étaient prévenus,  tous les signes étaient là…”